Chanter pour exister

Naissance du jazz partie II

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Les événements prennent un autre cours lorsque les big bands blancs de Benny Goodman (sacré « roi du swing» par les médias du pays) ou d’Artie Shaw accaparent le marché du travail et la musique noire. La population blanche est littéralement envoûtée par cette musique et ses danses de «nègres», et cherche à lui donner des visages et des voix blanches, pour la rendre plus «respectable» , et ainsi pouvoir se l’approprier. Le be-bop (aussi bebop ou bop ou re-bop) est ainsi, avant la Seconde Guerre mondiale, la première expression de la volonté manifestée par les Noirs de se réapproprier le jazz. L’harmonie, chez Teddy Wilson, Art Tatum, chez Duke Ellington, en est arrivée à un tel point de complexité que la mutation s’est produite naturellement. En revanche, l’introduction des poly-rythmies (superposition de rythmes) et plus encore de la stylistique du blues dans ce nouveau style créé par de jeunes musiciens (tels Thelonious Monk, Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Kenny Clarke, etc.) est une manière de complexifier le discours, pour éliminer les concurrents. Créés, en marge de l’activité professionnelle courante, dans les clubs new-yorkais de la 52e Rue (dont le fameux Minton’s Playhouse), les nouveaux thèmes ne sont souvent qu’une relecture d’anciennes chansons (Groovin’ High de Whispering, What Is This Thing Called Love, etc.)

Cool jazz et « jazz moderne»
Mis à part quelques individualités comme les pianistes Al Haig ou George Wallington, il faut attendre la fin des années 1940 et l’apparition du cool jazz (forme plus retenue, d’un esthétisme presque mondain et dont Miles Davis est l’un des initiateurs), pour voir des musiciens blancs emprunter la voie de ce qu’on appelle le «jazz moderne», parmi lesquels Stan Getz, Chet Baker, auxquels s’ajoutent les représentants de la toute jeune école West Coast, tels Pete Candoli, Bud Shank, etc. Ce courant, qui reprend quelques innovations rythmiques et surtout harmoniques du be-bop, en édulcore le contenu : profondeur, puissance, urgence de l’art.

Le East Coast Jazz
Au début des années 1950 se manifeste une réaction de jeunes musiciens noirs contre le cool jazz dominant, qui aboutit au hard-bop (aussi appelé «East Coast jazz» ou «postbop» Ce style revient à une forme plus virile et plus affirmée, et tire certaines de ses inflexions du gospel. L’illustrent Charlie Mingus, et, surtout, Horace Silver et Art Blakey, qui fondent les Jazz Messengers (1953) ; ainsi que toute une pléiade de musiciens exceptionnels, au premier rang desquels les trompettistes Clifford Brown, Lee Morgan, John Coltrane, les trombonistes Curtis Fuller et Slide Hampton, les pianistes Ray Charles, Bobby Timmons, l’organiste Jimmy Smith, les guitaristes Wes Montgomery et Grant Green, les bassistes Paul Chambers et Sam Jones, les batteurs Roy Haynes, Jimmy Cobb, etc.

La révolte du free jazz
Dans un contexte américain troublé par la guerre du Vietnam et la montée du mécontentement des Noirs en butte à la ségrégation, dans un environnement international opposant l’Est et l’Ouest dans une guerre froide pour la domination d’un monde tout juste décolonisé, la culture est captée par la politique. Les acteurs du jazz ne maîtrisent pas leur propre activité, le monde blanc continuant à le dominer par la critique et l’économie, à lui imprimer ses choix. Le jazz devient ainsi le théâtre d’une lutte idéologique dans les années 1960 ; certains musiciens afro-américains contestent la nature de ce jazz dont les Blancs peuvent les déposséder, et organisent des structures pour développer le nouveau concept (le New Thing). Ainsi se constituent The Art Ensemble of Chicago, The Black Artists Group of Saint Louis, The Jazz Composer’s Orchestra Association à New York, etc. En 1960, l’album Free Jazz d’Ornette Coleman devient une sorte de manifeste dans la continuité du mouvement déjà engagé par Charles Mingus et John Coltrane à la recherche d’une authenticité esthétique et spirituelle communautaire. À la suite de ces illustres aînés, Albert Ayler, les jeunes Pharoah Sanders, et Archie Shepp représentent le jazz d’avant-garde pour une great black music ( une grande musique noire) mythique qui se veut plus que du jazz. Le free jazz rompt ainsi avec le balancement régulier du jazz et recourt à une improvisation permanente qui, dans une exploration sonore permanente, aboutit à l’absence de thème mélodique et au dépassement de l’harmonie tonale. C’est aussi un retour à certains univers archaïques, notamment à celui du blues, dans des expressions offrant des oppositions accentuées. Le free jazz est une expérience vécue.

Le jazz à travers le monde
Assez rapidement, l’originalité, souvent perçue en termes d’exotisme, de la musique afro-américaine conquiert des populations vivant dans des parties du monde fort éloignées des États-Unis, donnant naissance à des écoles de jazz locales, favorisées par la présence de musiciens américains noirs émigrés. Jusqu’en 1939, l’Amérique du Sud oppose une forte résistance à la pénétration du jazz du fait de la vivacité de son folklore. En revanche, l’Afrique, l’Asie et même l’Océanie se sont assez largement ouvertes à l’influence du jazz, certaines populations locales trouvant dans cette culture d’emprunt un moyen d’identification et une forme de contestation de l’idéologie culturelle dominante des puissances coloniales. L’Europe est en fait sensibilisée la première à cette culture du Nouveau Monde : l’Angleterre, dès le début du XXe siècle, et très vite le reste du continent succombent aux charmes du jazz.
B.T.M.B.

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